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La levée de fonds représente un moment charnière dans la vie d'une entreprise, une étape qui peut propulser un projet vers une croissance accélérée ou, mal préparée, compromettre l'indépendance et la vision de son fondateur.

Chaque année, des milliers d'entrepreneurs français se lancent dans cette quête de financement externe, attirés par les success stories médiatisées de start-ups devenues licornes.

 

Pourtant, la réalité de la levée de fonds est bien plus complexe que ce que laissent transparaître les communiqués de presse triomphants. Entre dilution du capital, pression des investisseurs, et exigences de croissance, cette démarche comporte des implications profondes qu'il est essentiel de comprendre avant de se lancer.

Découvrons ensemble les mécanismes, les opportunités et les défis de la levée de fonds pour vous permettre de décider en toute connaissance de cause.

 

Qu'est-ce qu'une levée de fonds ?

 

La levée de fonds consiste à faire entrer des investisseurs au capital de votre entreprise en échange d'argent frais qui viendra financer son développement.

Contrairement à un prêt bancaire qui doit être remboursé selon un échéancier fixe avec des intérêts, les fonds levés n'ont pas à être restitués.

 

Les investisseurs deviennent propriétaires d'une partie de votre société et parient sur sa valorisation future pour réaliser un gain lors de leur sortie.

 

Le principe de la dilution est fondamental à comprendre. Lorsque vous levez des fonds, vous émettez de nouvelles actions ou parts sociales que les investisseurs achètent.

 

Mécaniquement, votre participation au capital diminue. Si vous déteniez 100% de votre entreprise et que vous levez 100 000 euros en cédant 20% du capital, vous ne possédez plus que 80% de votre société. Cette dilution est le prix à payer pour accéder au financement et accélérer votre croissance.

 

La valorisation de l'entreprise détermine le pourcentage cédé aux investisseurs. Si votre société est valorisée à 500 000 euros avant l'investissement et que vous levez 100 000 euros, les investisseurs obtiennent environ 16,7% du capital après l'opération.

 

Cette valorisation résulte d'une négociation entre vous et les investisseurs, basée sur vos performances passées, votre potentiel de croissance, votre équipe, et les comparables du marché.

 

L'objectif ultime des investisseurs n'est pas de détenir des parts de votre entreprise indéfiniment, mais de réaliser une plus-value en revendant leurs parts.

 

Cette sortie peut intervenir lors d'une acquisition de votre société par un concurrent, d'une introduction en bourse, ou du rachat de leurs parts par d'autres investisseurs lors d'une levée ultérieure.

 

Les fonds de capital-risque visent généralement un retour sur investissement de cinq à dix fois leur mise initiale sur un horizon de cinq à sept ans.

 

Les différentes sources de financement

 

Le parcours de financement d'une entreprise suit généralement plusieurs étapes, chacune correspondant à des sources d'investissement spécifiques et à des montants croissants.

 

Les business angels interviennent en phase d'amorçage, lorsque votre projet est encore jeune mais montre un potentiel intéressant.

Ces investisseurs individuels, généralement d'anciens entrepreneurs ou cadres expérimentés, investissent leurs fonds personnels dans des start-ups prometteuses.

 

Leurs tickets d'investissement varient de 50 000 à 500 000 euros. Au-delà de l'argent, ils apportent leur expérience, leur réseau, et leurs conseils stratégiques.

 

Ils acceptent un niveau de risque élevé en contrepartie d'un potentiel de gain important. Les réseaux de business angels comme France Angels ou les plateformes régionales facilitent la mise en relation avec ces investisseurs.

 

Les fonds de capital-risque prennent le relais pour financer la croissance. Ces structures professionnelles gèrent l'argent de nombreux investisseurs institutionnels et fortunés.

Elles investissent des montants plus conséquents, généralement entre 500 000 et plusieurs millions d'euros.

 

Leur processus de sélection est rigoureux et leur exigence élevée en termes de gouvernance et de reporting.

 

Elles siègent souvent au conseil d'administration et participent activement aux décisions stratégiques. Les fonds de capital-risque se spécialisent généralement par secteur d'activité et par stade de développement des entreprises.

 

Le crowdfunding ou financement participatif permet de lever des fonds auprès d'un grand nombre de particuliers via des plateformes en ligne dédiées.

Le crowdfunding en capital consiste à ouvrir le capital de votre société à des centaines, voire des milliers de petits actionnaires qui investissent chacun quelques centaines ou milliers d'euros.

 

Cette approche présente l'avantage de créer une communauté d'ambassadeurs de votre marque.

Les plateformes comme WiSEED, Tudigo ou Crowdcube facilitent ces opérations. Les montants levés varient généralement entre 100 000 et 1 million d'euros.

 

Les fonds de capital-développement interviennent pour des entreprises déjà matures qui cherchent à accélérer leur expansion, financer une acquisition, ou préparer une transmission.

 

Leurs tickets d'investissement se comptent en millions d'euros et s'adressent à des sociétés dont le modèle économique est éprouvé et rentable.

 

Les aides publiques et subventions complètent souvent les levées de fonds privées. Bpifrance propose différents dispositifs : bourses French Tech, prêts d'amorçage, prêts innovation, garanties bancaires.

 

Les régions, l'Europe via Horizon Europe, et divers organismes sectoriels offrent également des financements non dilutifs qui renforcent vos fonds propres sans céder de capital.

 

Préparer sa levée de fonds : les prérequis indispensables

 

Une levée de fonds réussie se prépare méticuleusement, parfois pendant plusieurs mois. L'improvisation mène rarement au succès dans cet exercice exigeant.

 

Le business plan constitue le document fondamental. Il doit présenter de manière exhaustive et convaincante votre projet d'entreprise.

 

Sa structure type comprend un résumé exécutif percutant, une description détaillée du problème identifié et de votre solution innovante, une analyse approfondie du marché avec sa taille et sa dynamique de croissance, l'étude de la concurrence et votre positionnement différenciant, la présentation de votre modèle économique et de vos sources de revenus, votre stratégie commerciale et marketing, la présentation de l'équipe dirigeante, et enfin les projections financières sur trois à cinq ans.

 

Ce document doit être à la fois précis dans les chiffres et inspirant dans la vision.

 

Le pitch deck représente la version synthétique et visuelle de votre projet. Cette présentation de dix à quinze diapositives doit pouvoir se présenter en dix à quinze minutes et captiver l'attention des investisseurs.

 

Chaque slide doit être épurée, percutante, et apporter une information clé. Les investisseurs reçoivent des centaines de pitch decks chaque année, le vôtre doit se démarquer par sa clarté, sa qualité visuelle, et la force de son message.

 

Les projections financières exigent un réalisme ambitieux. Vous devez construire un prévisionnel cohérent avec des hypothèses clairement explicitées : évolution du chiffre d'affaires, taux de marge, coûts d'acquisition client, taux de conversion, effectifs nécessaires, investissements en équipement.

 

Les investisseurs scrutent ces projections avec un œil critique et testent leur solidité en posant des questions pointues. Trop optimistes, elles perdent toute crédibilité ; trop conservatrices, elles n'attirent pas l'intérêt.

 

La preuve de concept rassure les investisseurs.

Disposer de premiers clients, même en nombre limité, de revenus récurrents, d'un prototype fonctionnel, ou de résultats de tests utilisateurs positifs renforce considérablement votre crédibilité.

 

Les investisseurs privilégient les entrepreneurs qui ont déjà validé certaines hypothèses clés de leur modèle plutôt que ceux qui présentent uniquement une idée, aussi brillante soit-elle.

 

L'équipe compte autant, sinon plus, que le projet lui-même. Les investisseurs financent d'abord des personnes avant de financer des idées.

 

Votre équipe doit démontrer des compétences complémentaires, une expérience pertinente, une capacité d'exécution, et une cohésion solide.

Les investisseurs analysent votre parcours, vos réussites passées, votre capacité à pivoter, et votre détermination à réussir.

 

La clarté sur l'utilisation des fonds est impérative. Les investisseurs veulent savoir précisément comment vous comptez dépenser leur argent : recrutement de commerciaux, investissements technologiques, campagnes marketing, développement international.

 

Un budget détaillé par poste et par période renforce votre sérieux et votre préparation.

 

Le processus de levée de fonds : étapes et chronologie

 

Lever des fonds s'apparente à un parcours du combattant qui s'étale généralement sur six à douze mois, parfois davantage.

 

L'identification des investisseurs cibles lance le processus. Toutes les sources de financement ne conviennent pas à tous les projets.

 

Vous devez cibler les investisseurs qui se spécialisent dans votre secteur d'activité, qui investissent au stade de développement correspondant au vôtre, et dont les tickets d'investissement correspondent à vos besoins.

 

Cette phase de recherche et de qualification demande du temps mais évite de perdre de l'énergie avec des investisseurs non pertinents.

 

La prise de contact s'effectue idéalement via une introduction par une personne de confiance commune : un autre entrepreneur du portefeuille de l'investisseur, un expert-comptable, un avocat, ou un membre de votre réseau professionnel.

 

Cette recommandation augmente significativement vos chances d'obtenir un rendez-vous.

 

Les candidatures spontanées par email fonctionnent rarement, sauf si votre projet présente des caractéristiques exceptionnelles.

 

Le premier rendez-vous dure généralement entre trente minutes et une heure.

 

Vous présentez votre pitch, répondez aux premières questions, et jaugez l'intérêt manifesté. L'investisseur évalue votre capacité à présenter clairement votre projet, votre maîtrise des enjeux, et la cohérence de votre équipe.

 

À l'issue de ce premier contact, soit l'investisseur exprime un intérêt et demande des documents complémentaires, soit il décline poliment.

 

La phase de due diligence débute lorsque l'investisseur manifeste un intérêt sérieux.

 

Il va auditer en profondeur tous les aspects de votre entreprise : analyse financière détaillée, revue juridique des contrats et de la propriété intellectuelle, validation technique du produit, enquêtes sur l'équipe dirigeante, contacts avec vos clients pour valider la satisfaction, étude de la concurrence.

 

Cette phase dure généralement entre un et trois mois et nécessite de fournir de nombreux documents et informations confidentielles.

 

La négociation de la term sheet intervient si la due diligence est concluante.

 

Ce document de quelques pages résume les conditions de l'investissement : montant investi, valorisation de la société, pourcentage cédé, composition du conseil d'administration, droits particuliers accordés aux investisseurs, clauses de protection. Cette négociation détermine l'équilibre des pouvoirs futurs dans l'entreprise.

 

La rédaction des documents juridiques finalise l'opération.

 

Un pacte d'actionnaires détaillé, la modification des statuts, et divers documents contractuels sont rédigés par les avocats des deux parties. Cette phase juridique dure généralement plusieurs semaines.

 

Le closing marque le dénouement avec le versement effectif des fonds sur le compte de l'entreprise et l'entrée officielle des investisseurs au capital.

 

C'est le moment tant attendu, mais aussi le début d'une nouvelle étape avec de nouvelles obligations.

 

Les avantages de la levée de fonds

 

Lever des fonds apporte des bénéfices qui dépassent le simple apport financier.

 

L'accélération de la croissance constitue l'objectif premier.

 

Les fonds permettent de recruter rapidement des talents clés, d'investir massivement dans le marketing et l'acquisition de clients, de développer de nouvelles fonctionnalités produit, d'ouvrir de nouveaux marchés géographiques.

 

Cette injection de liquidités accélère des développements qui auraient pris des années avec un financement organique.

 

La crédibilité renforcée découle du soutien d'investisseurs reconnus.

 

Afficher le logo d'un fonds réputé sur votre site web, mentionner le soutien de business angels expérimentés, annonce aux clients, partenaires et futurs talents que des professionnels ont validé votre projet. Cette légitimité facilite les relations commerciales et le recrutement.

 

L'accompagnement stratégique apporté par les investisseurs représente une valeur souvent sous-estimée.

Leurs conseils basés sur des dizaines d'expériences similaires vous évitent des erreurs coûteuses.

 

Leur réseau ouvre des portes commerciales, facilite le recrutement de profils rares, et accélère votre développement. Leur présence au conseil d'administration structure la gouvernance de l'entreprise.

 

L'effet de levier pour les levées ultérieures est significatif.

 

Une première levée réussie facilite grandement une seconde levée. Les investisseurs existants réinvestissent souvent lors des tours suivants, et leur présence rassure les nouveaux investisseurs potentiels.

 

La validation du modèle économique par des professionnels de l'investissement renforce votre confiance et celle de vos équipes.

 

Si des investisseurs expérimentés sont prêts à miser des sommes importantes sur votre projet, c'est que votre vision a du sens.

 

Quand lever des fonds ? Les bons et mauvais moments

 

Le timing d'une levée de fonds conditionne largement son succès.

 

Les signaux positifs qui indiquent que le moment est opportun incluent une forte croissance de votre chiffre d'affaires sur plusieurs trimestres consécutifs, des indicateurs d'engagement clients excellents, une opportunité de marché massive et urgente à saisir, la nécessité d'investissements importants impossibles à financer autrement, et un contexte économique favorable aux levées de fonds dans votre secteur.

 

Les situations où il vaut mieux attendre concernent les projets encore au stade d'idée sans validation de marché, les périodes de baisse d'activité ou de résultats décevants, les contextes économiques défavorables avec des valorisations déprimées, et les moments où vous pourriez vous autofinancer encore quelques mois pour améliorer vos métriques et obtenir une meilleure valorisation.

 

L'alternative de l'autofinancement mérite toujours d'être considérée. Si votre croissance peut se financer par vos revenus, cette approche vous permet de conserver 100% du capital, de garder une totale indépendance, et d'éviter la pression des investisseurs.

Certes, la croissance sera plus lente, mais elle sera aussi plus maîtrisée et pérenne.

Levée de fonds : ce que doit savoir un entrepreneur

 

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